L’Éclipse – Michelangelo Antonioni, le 10 juin 2014
Le 10 juin dernier, le Ciné-Clep programmait L’Éclipse de Michelangelo Antonioni (Italie, 1962).
Après avoir assisté à une éclipse totale de soleil, Antonioni se dit que les sentiments humains doivent, eux aussi, être sujets à de pareilles « éclipses », particulièrement dans nos sociétés modernes, où se côtoient et s’opposent émotions ancestrales et impitoyables rapports d’argent (la vision des séances de la Bourse, proposée par ce film, est saisissante).
C’est donc, quelques années avant 1968, à une peinture de la société de consommation, dans une Italie alors en plein boom économique, que se livre ici le cinéaste. Il le fait à travers une étrange poésie urbaine, où les objets ont presque autant d’importance que les personnages, où les temps morts ou suspendus l’emportent sur les moments où « il se passe quelque chose », où fragmentation et discontinuité sont préférées à la linéarité du récit classique.
Ces partis pris formels se radicaliseront dans la célèbre séquence finale, où Antonioni n’hésitera pas à nous montrer, à la tombée du jour, non plus les personnages que nous avons suivis pendant tout le film (incarnés par Monica Vitti et Alain Delon), mais, puisque décidément toute relation durable entre eux est impossible, leur absence (leur éclipse), dans une atmosphère d’apocalypse froide.
Claude Hodin